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les mille nuits et une nuit

jardin le rouge de leurs rayons froids qui faisaient scintiller l’eau en pierreries.

Moi, je m’arrêtai en extase devant ces simples choses nées de l’union pure des éléments ; puis j’allai m’asseoir sur le trône de rubis que surmontait un baldaquin de soie rouge, et là je fermai un instant les yeux pour laisser cette fraîche vision mieux pénétrer mon âme ravie.

Quand j’ouvris les yeux, je vis s’avancer vers le bassin, en secouant leurs plumes blanches, trois élégantes colombes qui venaient prendre leur bain. Elles sautèrent avec grâce sur le large rebord du bassin d’argent et, ô mes yeux émerveillés ! je les vis, après s’être embrassées et fait mille caresses charmantes, rejeter loin d’elles leur virginal manteau de plumes et en sortir, dans une nudité de jasmin, sous l’aspect de trois jeunes filles belles comme des lunes. Et aussitôt elles plongèrent dans le bassin pour se livrer entre elles à mille jeux et mille folies, des fois disparaissant et des fois reparaissant au milieu de grands remous brillants, pour disparaître encore en riant aux éclats, tandis que seules leurs chevelures émergeaient en un vol déployé de flamme sur l’eau.

À ce spectacle, ô mon frère Beloukia, moi je sentis ma raison nager dans mon cerveau et essayer de s’en échapper. Et, ne pouvant plus maîtriser mon émotion, je courus affolé au bassin et je criai : « Ô jeunes filles, ô lunes, ô souveraines ! »

Lorsque les jeunes filles m’eurent aperçu, elles poussèrent un cri d’effroi, et, sortant légères de l’eau, elles coururent à leurs manteaux de plumes