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les mille nuits et une nuit

si je consens à te vendre l’esclave ou à te la céder ! » Lorsqu’ils eurent fait tous deux ce serment, soudain ils s’aperçurent qu’ils s’étaient laissés aller trop loin, aveuglés par les fumées du vin, et, d’un commun accord, se demandèrent quel moyen employer pour sortir d’embarras. Après quelques instants de perplexité et de réflexion, Al-Rachid dit : « Nous n’avons d’autre moyen de sortir de ce cas si embarrassant que de recourir aux lumières du kâdi Abi-Youssouf, si versé dans la jurisprudence en matière de divorce ! » Ils l’envoyèrent aussitôt chercher, et Abi-Youssouf pensa : « Si le khalifat m’envoie chercher au milieu de la nuit, c’est qu’un événement fort grave se passe dans l’Islam ! » Puis il sortit en toute hâte de sa maison, enfourcha sa mule, et dit à son esclave qui suivait la mule : « Prends avec toi le sac à fourrage de la bête qui n’a pas encore fini sa ration, et n’oublie pas de le lui suspendre à la tête, à notre arrivée, pour qu’elle continue à manger ! »

Lorsqu’il entra dans la salle où l’attendaient le khalifat et Giafar, le khalifat se Leva en son honneur et le fit s’asseoir à côté de lui : privilège qu’il n’accordait jamais qu’au seul Abi-Youssouf. Puis il lui dit : « Je t’ai mandé pour une affaire de la plus grande gravité ! » Et il lui expliqua le cas. Alors Abi-Youssouf dit : « Mais la solution, ô émir des Croyants, est la chose la plus simple qui soit ! » Il se tourna alors vers Giafar et lui dit : « Tu n’as qu’à vendre au khalifat la moitié de l’esclave et à lui donner en présent la seconde moitié ! »

Cette solution ravit le khalifat à l’extrême, et il en admira toute la finesse : car elle les déliait tous