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histoire d’ibn al-mansour
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de quelque utilité ? » Il dit : « Toi seul peux encore me sauver ! Mon intention est d’envoyer une lettre par ton entremise à Sett Badr, car tu es capable de lui persuader de me répondre ! » Moi je répondis : « Sur ma tête et sur mon œil ! » Alors, ranimé, il se leva sur son séant, déroula une feuille de papier sur la paume de sa main, prit un calam et écrivit :

« Ô dure bien-aimée, j’ai perdu la raison, et je roule dans le désespoir. J’avais, avant ce jour, cru chose futile l’amour, chose aisée, chose légère. Mais je vois, hélas ! par mon naufrage sur ses flots, que c’est, pour qui s’y aventure, une mer terrible et démontée. Je reviens à toi le cœur meurtri, et j’implore le pardon du passé. Aie pitié de moi, et souviens-toi de notre amour ! Si tu veux ma mort, oublie la générosité. »

Il cacheta alors cette lettre et me la remit. Moi, bien que je fusse ignorant du sort de Sett Badr, je n’hésitai pas : je pris la lettre et me rendis au jardin. Je traversai la cour et entrai, sans avertir, dans la salle de réception.

Or, quel ne fut point mon étonnemement d’apercevoir, assises sur les tapis, dix jeunes esclaves blanches au milieu desquelles se trouvait, pleine de vie et de santé, mais en habits de deuil, Sett Badr, tel un pur soleil, devant mes regards étonnés. Je me hâtai pourtant de m’incliner en lui souhaitant la paix ; et elle, sitôt qu’elle m’eut vu entrer, me sourit, me rendit mon salam et me dit : « Sois le bienvenu, Ibn Al-Mansour ! Assieds-toi ! La maison