Page:Lebesgue - Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives, 1928.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
L’INTÉGRALE AVANT RIEMANN.

entre et peut être choisie indépendamment du nombre , quelconque dans .

On reconnaît là les définitions aujourd’hui classiques.

Pour démontrer l’existence des fonctions primitives des fonctions continues, il suffit de reprendre la démonstration géométrique indiquée précédemment. Dans cette démonstration on a fait appel à la notion d’aire. Cette notion, déjà assez délicate lorsqu’il s’agit de domaines limités par des courbes géométriques simples comme le cercle ou l’ellipse, le devient plus encore lorsqu’il s’agit des domaines intervenant dans la démonstration qui nous occupe.

Les courbes qui limitent ces domaines ne sont plus nécessairement des courbes géométriques, elles peuvent être formées de parties de courbes géométriques () ; on sait donc qu’elles peuvent être compliquées sans savoir où s’arrête cette complication. Aussi Cauchy crut devoir préciser ce que l’on doit entendre par le nombre de la démonstration précédente ; il lui suffit pour cela de reprendre les opérations qui servaient ordinairement à calculer des valeurs approchées de considérée comme aire et de démontrer que ces calculs conduisaient à un nombre limite[1]. On a ainsi la démonstration maintenant classique de l’existence des fonctions primitives.

Soit l’intervalle que nous considérons. Divisons en intervalles partiels à l’aide des nombres croissants

 ;
  1. Très souvent, en mathématiques, on prend, ainsi que le fait ici Cauchy, le procédé de calcul d’un nombre comme définition même de ce nombre. D’ailleurs certains Mathématiciens n’admettent pas d’autres définitions d’un nombre que celles qui permettent son calcul.

    On remarquera l’intérêt de la si simple transformation effectuée par Cauchy : elle réduit le nombre des notions premières à partir desquelles nous raisonnons. On dit souvent que Descartes a ramené la géométrie à l’algèbre ; cela n’aurait pas été exact, si Cauchy, par sa définition de l’intégrale, n’avait pas donné une construction logique de notions jusque-là déduites de l’intuition géométrique : aires, volumes, etc.

    Il y a là un progrès dont l’importance philosophique est extrême ; mais, comme le travail de Cauchy n’apporte aucun enrichissement pour la notion d’intégrale, son intérêt mathématique est minime ; aussi Cauchy ne l’a-t-il donné que comme un simple exposé pédagogique.