Page:Lebey - Sur une route de cyprès, 1904.djvu/101

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Puis ton bras dégoûté la rejetait au loin ;
Des poèmes chantaient dans ta mémoire en vain ;
Tu priais les oiseaux de lui parler de toi ;
Tu suppliais les dieux ; tu maudissais leurs lois ;
Et, peu à peu, tu t’endormais avec le jour
En songeant à tes vers autant qu’à ton amour...


Tu vivais en des temps heureux. Nous n’avons plus
La force qui parait vos antiques vertus.
Le monde est envahi de laideur et de honte ;
Nous ne saurions jamais retrouver Amathonte
Ni rêver même un jour en rouvrir le sentier ;
La jeunesse n’est plus ; nous avons peur d’aimer ;
Un suaire partout étreint l’antique flamme ;
Quelque chose est cassé dans le cœur de la femme. . .
Tu fus heureux, crois-moi, jusque dans tes douleurs ;
Tout s’entendait alors pour alléger les cœurs ;
Des ailes d’or rôdaient autour de vos tristesses ;
Dans l’ombre des bras blancs préparaient des caresses ;
Un vent léger aidait les voiles du désir
Et se faisait aussi propice au souvenir
Pour, quand il pesait trop, l’emporter vers la mer ;
Des roses s’effeuillaient en parfums frais dans l’air,
Et, lorsque l’heure était un peu longue à passer,