Page:Lebey - Sur une route de cyprès, 1904.djvu/14

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L’âme s’est faite loin d’elle même aujourd’hui ;
Sa force s’est usée à vivre mal, l’ennui
Rôde en elle et la guette à chaque élan sincère
Pour lui draper bientôt des robes de misère.
L’âme ne connaît plus de forte solitude ;
Elle a peur du chemin qu’elle devine rude
Et, même sans plaisir, s’abandonne au courant
Qui l’emporte au hasard vers quelque but errant
Parmi de vains essais d’amour et d’allégresse ;
Elle en revient fanée et lourde de tristesse
Ayant perdu ses fleurs et toute sa fierté.
Elle pourrait toujours vers le berceau quitté
S’en retourner d’un pas qui reste jeune encor,
Mais trop abandonnée au charme d’avoir tort,
Craignant de ne pouvoir plus vivre solitaire,
Elle demeure à piétiner la même terre,
Se livre à ce qui, loin d’elle, la mène loin
De son dernier asile, et lasse d’avoir soin
De se mentir toujours, éperdue, épuisée,
Meurt de tant de douleur par trop inavouée.