LE DERNIER RÊVE
Brunette mourut. Et la mort de Brumette, ce fut pour Mlle de Robec — pour Mademoiselle, comme on l’appelait familièrement à Thibermont où sa vieille maison à tourelles s’élevait en face même de l’église — ce fut un gros chagrin et une perte irréparable.
Depuis vingt ans — elle en avait maintenant quarante-cinq — Mlle de Robec, sise en son vis-à-vis et conduisant elle-même la nonchalante Brunette, sortait régulièrement le mercredi et le samedi de la petite ville de Thibermont par la rue principale, et se rendait quatre lieues plus loin à ses fermes de Brumesnil, d’où elle revenait le soir même. L’habitude était si ancienne, et si grande l’affection qui réunissait la pauvre bête à sa maîtresse que Mademoiselle jura sur le cadavre de son amie qu’elle n’essaierait même point de la remplacer.
Serment précipité dont elle eut à se repentir ! Que d’embarras en résultèrent ! Elle dut prendre la diligence — on y était affreusement cahoté — ou le train — mais on changeait deux fois en route !
C’est ainsi que Mademoiselle fut amenée à concevoir un projet extraordinaire, extravagant, vraiment fou, et qui ne fut approuvé des gens de Thibermont qu’avec une certaine réserve : avoir une automobile.