Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/143

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La vie pourtant lui fut assez douce, malgré les lourdes appréhensions qui pesaient sur elle. Une telle consolation lui venait de cet enfant, si gracieux déjà, si beau ! Chose étrange, elle avait toute liberté pour le voir. Il couchait dans la chambre voisine, et, du matin jusqu’au soir, sauf aux heures où la nourrice lui faisait prendre l’air, ne la quittait point.

Était-il possible que tant de joie persistât ? En un mois, elle n’entendit même pas dans le couloir le pas de son mari.

Mais le trente-deuxième jour, il lui fit dire, après le déjeuner, de se préparer à sortir. Les promenades habituelles allient recommencer.

Elle descendit toute triste. À ce moment de la journée, son fils était toujours dehors, de sorte qu’elle ne put l’embrasser avant son départ.

Elle s’assit auprès de son mari. Jacques donna l’ordre au mécanicien de ne pas les accompagner, ce qui surpris Madeleine.

En traversant le parc, elle regarda de côté et d’autre, espérant apercevoir son fils dans quelqu’une des allées avoisinantes. Sans doute était-il caché par des massifs d’arbres. Elle ne le vit point.

En franchissant la grille, l’allure était déjà absurde. Quelle démence avait donc frappé le cerveau de Jacques ? Mais, sur la grand’route, ce fut vraiment de la folie. Ils semblaient marcher vers un but de mort, et se hâter d’y parvenir sans souci des obstacles.

Et justement, au lointain, apparut l’horrible tournant.

— C’est là ! pensa Madeleine, le cœur serré.

Que se passerait-il ? Elle ne savait pas, mais c’était là, c’était là, fatalement, inexorablement.

Il approchait, il accourait au-devant d’eux. Dans la route, que l’imagination