Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un vaurien, soit, remarquai-je, mais un original !

— Original en ceci : demain, le sieur Vatinel, qui aujourd’hui fait le scandale du village, le sieur Vatinel restera invisible, enfermé chez lui, dans la petite masure qu’il occupe derrière l’église. Inutile de frapper à sa porte, il ne répond pas. Que fait-il ? Comment se nourrit-il ? Mystère ! Après-demain seulement on le verra sortir de son gîte et reprendre pour un jour sa vie de bâton de chaise. Vous avouerez qu’il ne manque pas d’une certaine dose d’excentricité, le sieur Vatinel !

J’étais confondu, non point tant de la conduite du sieur Vatinel que de l’extraordinaire similitude qu’il y avait entre son histoire et celle de M. Audimard. Par quel hasard vraiment stupéfiant deux cas aussi exceptionnels pouvaient-ils se produire ? Par quel prodige le sieur Vatinel et M. Audimard s’étaient-ils donné le mot, à travers l’espace, pour vivre ainsi, parallèlement, leur double existence fantastique et invraisemblable ?

Le lendemain, je ne vis pas le sieur Vatinel. Je le vis le surlendemain, et point le jour d’après. Même régularité que chez M. Audimard.

Cette singulière coïncidence m’intriguait fort.

La semaine suivante, ayant à effectuer quelques courses aux environs, je fis venir ma bicyclette. Plusieurs fois même, séduit par le beau temps, j’en usai le soir pour de courtes promenades avant de me mettre au lit. Et c’est un de ces soirs qu’en approchant du verger qui s’étend derrière la masure de Vatinel, je l’aperçus qui fermait sa barrière, enfourchait une bicyclette et filait du côté de la campagne.

Or, une heure avant, Vatinel jouait au