Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/160

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Visiblement, il me persiflait. Exaspéré je lui dis :

— Alors, toi, tu iras…

— Parbleu.

Son assurance me mit hors de moi et dans un accès de rage, je balbutiai :

— Eh bien, tu n’iras pas, tu entends, je te défends d’y aller ! Tu n’as pas le droit…

— On s’en passera, et demain, à cinq heures…

Je me ruai sur lui. Il perdit l’équilibre et m’entraîna. Sous le poids de nos corps, la glace se rompit…

Un grand feu dans une salle d’auberge. Devant, emmaillotés de couvertures, Charles et moi. La baignade n’avait pas été bien sérieuse. À peine avions-nous eu de l’eau jusqu’à la ceinture. Cependant le froid nous avait saisis à tel point que l’on n’arrivait que difficilement à nous réchauffer. Charles gémissait.

Et soudain une femme fit irruption dans la pièce. C’était elle. Elle se précipita sur mon compagnon, l’attira contre sa poitrine et l’embrassa de toutes ses forces en bégayant :

— Mon chéri, mon chéri, qu’y a-t-il eu ?… Je ne me doutais de rien… Ce n’est qu’au moment de partir que je me suis inquiétée de ne pas te voir. Alors j’ai appris… Ah ! mon Dieu, tu n’es pas blessé ?… Comme tu as froid !…

Devant une telle sollicitude, Charles fondit en larmes, et je l’entendis qui murmurait :

— Ah ! maman… maman…

Sa mère ! que disait-il ? L’inconnue était la mère de Charles ?

Puis, dans un accès de rancune, il s’écria :

— Maman, c’est lui, tu sais, celui dont je t’ai parlé. C’est lui qui m’a fait tomber… exprès…