Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/167

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Elle le regarda, sans comprendre, ne voulant pas comprendre. Il ajouta, un peu intimidé par ce regard :

— Oh ! ne craignez rien, mes amis ne seront pas assez indiscrets pour nous importuner. Il me suffit qu’ils puissent témoigner au besoin que c’est avec votre consentement que ce petit voyage s’effectue. S’il vous déplaisait, vous n’auriez qu’à me tendre cette main que je sollicite.

Elle haussa les épaules. Il s’inclina :

— Qu’il soit fait selon votre volonté, mademoiselle.

En une seconde elle fut saisie, soulevée, assise sur le siège, attachée au dossier par le moyen d’une courroie qui lui entourait la taille, Cette agression rapide la suffoqua. Elle n’avait pas cru qu’il aurait l’audace de pousser les choses jusqu’à cette extrémité, et il eut tout le temps de mettre la voiture en marche et de s’asseoir à ses côtés sans qu’elle protestât. Mais, à peine en route, elle appela au secours.

À son tour il haussa les épaules.

— À quoi bon ? En admettant que l’on vous entende, que nous rencontrions des gens, pensez-vous que c’est cela qui m’arrêtera ?

Elle se tut, puis, d’une voix sourde, lui dit :

— Vous êtes un lâche. Et vous avez menti tout à l’heure devant vos amis en affirmant que vous ignoriez ma réponse. Je vous ai répondu vingt fois non. Vous n’en voulez qu’à ma fortune, je le sais, je vous l’ai dit, et je ne veux pas de vous.

Il ricana :

— Bah ! vous vous calmerez. Je vous plais, oui, je l’ai senti souvent, et cette petite violence n’est pas pour vous fâcher, au contraire.

— Délivrez-moi de cette courroie, et vous verrez ce qui me retiendra près de vous.

— Fichtre ! Sauter ! ce serait grave, à cette allure.

— Et après ?