Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/200

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Et pour achever de lui faire du poumon on ne manquait pas une occasion de lui être désagréable. On le privait de son biberon, on infusait de la camomille dans son lait, on le laissait mijoter dans ses langes mouillés.

À la dure ! à la dure ! Une fois par jour M. Davoine, qui se croyait en tant qu’herboriste certaines connaissances en médecine, et par conséquent en anatomie, massait vigoureusement le poupon, histoire de lui faire du muscle, du jarret, du biceps. À la dure ! Godefroy couchait sur une planche rembourrée de varech.

— Cela lui donne de la souplesse, du rein, disait l’herboriste.

Et puis le grand air… Ah ! les Davoine avaient assez souffert de vivre au fond d’une boutique sombre et basse.

— Si j’ai cette mine de papier mâché, disait Mme Davoine, la faute en est au manque d’air. Mon fils n’en manquera pas.

Il y avait justement devant la boutique un petit carrefour orné d’un réverbère. On fixa là le chariot à roulettes du jeune sportsman, de telle sorte qu’on pût le surveiller de l’intérieur.

— Et maintenant, grandis, fortifie-toi, tu es en plein air ! Si tu ne deviens pas un homme tu n’as à t’en prendre qu’à toi-même.

Vent, pluie, neige, gelée, soleil, tout passa sur lui, non sans le gratifier de quelques rhumes, d’une congestion pulmonaire où il faillit rester et d’une insolation qui lui fournit des renseignements précieux sur la souffrance physique. À la dure ! à la dure !

Bien entendu, dès qu’il fut à l’âge où les enfants précoces titubent sur leurs jambes, on le contraignit à marcher. Il n’y avait pas une minute à perdre. Il marcha donc, ce qui lui fit des jambes quelque peu torses. Mais, enfin, il marchait, c’était là l’essentiel.