Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/214

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Il organisa des promenades dominicales à entraînement progressif. Il les suivait lui-même en petite voiture. La progression consistait à aller de plus en plus vite. Tous les quarts d’heure, une minute de pas gymnastique. « Une, deux, une, deux ! » scandait M. Redoré d’une voix impérieuse.

Il suait, soufflait, s’épongeait le front, et, à l’étape, tout en offrant aux enfants des brioches et des sirops à l’eau de seltz, leur disait :

— Hein, on s’est démené aujourd’hui. J’en ai un point de côté !

Son ambition ne se borna pas là. L’adolescence aussi est un terrain favorable aux éclosions sportives. Il voulut faire de la propagande dans une usine dont les bâtiments étaient proches. Le directeur, homme de réaction et de routine, lui défendit l’entrée des établissements. Alors, chaque jour, il s’installa devant la grand’porte, à l’heure de la sortie, et il racola les plus jeunes d’entre les ouvriers. Il les prenait sous le bras, et les commères du village saisissaient des bouts de phrases ou des mots qu’il prononçait plus haut, avec des gestes de conviction.

— L’exercice prolonge la vie… Quoi de plus beau que l’animal humain quand il est sain, agile et puissant ?… Faire rendre à ses muscles le maximum de leur énergie avec un minimum d’effort… thorax… biceps… pas gymnastique…

On se moquait de lui. Il subit des affronts. Que lui importait ? Il se sentait la foi et l’entêtement d’un apôtre. Chargé par le destin de la régénération physique de Gourel, il irait jusqu’au bout de sa tâche, malgré les obstacles, malgré les humiliations.

Il réunit quelques adeptes. Avec quelle tendresse il les choyait ! Avec quelle générosité, pour se les attacher plus complètement, il arrosait les conférences de