Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils partirent à cheval, tandis que Stéphane commençait un écarté avec le père de Geneviève. Mais au col ils cherchèrent vainement la fleur.

Geneviève la trouva, le soir, à table, dans son verre. Elle dit à Stéphane :

— C’est vous, sans doute ?

— Oui.

Elle prit la fleur et la froissa sans un mot.

Un des soirs suivants, quoique un peu souffrante, elle organisa une expédition en ville pour le lendemain matin à six heures.

— J’ai perdu le collier de mon chien, il y a le pareil en ce moment chez le bijoutier, je ne veux pas qu’on me l’enlève.

Son père protesta, alléguant sa fatigue et les six lieues qui séparaient le château de la ville. Elle ne céda point.

Le lendemain matin, à six heures, au moment où elle s’apprêtait, sa femme de chambre lui apporta un paquet. Elle l’ouvrit, c’était le collier neuf.

On eût dit que ces attentions l’irritaient ainsi que des leçons infligées à son orgueil par un orgueil plus fort. Elle se sentait humiliée, et devint de plus en nerveuse, volontaire et d’humeur inégale. Ce qui l’exaspérait par-dessus tout, c’était le calme de Stéphane. Elle ne pouvait s’empêcher de rendre justice à sa dignité et à sa courtoisie parfaite dans ce milieu qui lui était nettement hostile et dont toutes les idées contrastaient avec les siennes. En outre, elle le trouvait plus simple d’allures, moins tapageur et moins poseur en sa tenue de cycliste que ses deux prétendants. Ceux-là lui semblaient lourds auprès de lui. Ils avaient cette morgue des cavaliers auxquels on croirait que le fait d’avoir des bottes, des éperons qui sonnent et une cravache confère le privilège de parler