Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/27

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— Ah ! Geneviève, soyons plus graves l’un et l’autre. Il faut respecter ceux que l’on aime jusque dans les plus petites choses, jusque dans leurs goûts les plus insignifiants, fussent-ils entièrement différents des nôtres. Notre goût plus ou moins violent pour la bicyclette ou pour le cheval, cela ne compte pas, n’est-ce pas ? c’est une misère, et, pour ma part, je vous sacrifierais bien davantage, mais il y a sûrement d’autres goûts qui diffèrent en nous, et de plus sérieux. Eh bien, acceptons-les. Ce sont peut-être les différences de caractères et d’habitudes qui rendent agréable la vie commune.

Elle se mit à rire.

— Oui, vous venez de voir comme c’est drôle, la vie commune ainsi comprise : l’un roule, l’autre galope, et on ne se dit pas un mot.

— On ne s’entend que mieux, Geneviève. Et puis ce ne sont pas, comme vous le croyez, nos natures qui différent, mais certains côtés de ces natures. Ainsi, vous préférez le cheval, moi la bicyclette, mais nous aimons tous deux le mouvement, le grand air, l’espace, l’odeur des forêts, la couleur des horizons, et c’est là l’essentiel. Le reste est affaire de goûts, et puisque je vous aime et que vous m’aimerez, nous en trouverons bien un troisième qui nous sera commun.

— L’automobile, peut-être, dit-elle en lui tendant la main.

Maurice LEBLANC.