Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/274

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Fréval tressaillit et murmura :

— Marceline.

Il fit un effort pour se lever.

— Ne bouge pas, s’écria-t-elle, en se hâtant de descendre, ne bouge pas, je t’en prie.

Elle accourut, releva ses voiles, se pencha sur mon ami et l’embrassa longuement — un peu plus longuement peut-être qu’il ne l’eût fallu en présence d’un étranger.

Fréval se tourna vers moi :

— Ma femme.

Sa femme ! Il était donc marié ? M’ayant tendu la main, elle dit en riant à son mari :

— Hein ! tu ne m’attendais pas sitôt ? Ah ! ce que la voiture a marché ! Quand on pense que j’étais encore à Chamonix à midi !

— Et cette ascension ?

— Eh bien ! je l’ai faite.

— Jusqu’au sommet ?

— Jusqu’au sommet, avec mes deux guides. Et puis, tu sais, le Mont-Blanc, ce n’est rien. Ah ! parle-moi du Mont-Cervin ou du Mont-Rose.

Fréval me dit :

— C’est sa quatrième ascension.

Elle rectifia :

— La quatrième, cette année.

Elle était grande, d’allures dégagées, très belle, avec quelque chose d’un peu mâle dans la voix et dans les gestes, mais joyeuse et vive cependant, l’air d’une enfant qui s’amuse. Et elle s’arrêtait souvent pour prendre la main de son mari, pour le regarder silencieusement. Elle l’embrassa même de nouveau. Il lui demanda :

— Et maintenant ?

— Maintenant, je reste… je ne te quitte plus… Ah ! non, c’est assez comme cela,

Après un moment je les laissai.