Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/275

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Le soir, ils ne se montrèrent pas. Le lendemain je les aperçus à l’extrémité de la terrasse. Je n’osai les déranger.

Et chaque jour il en fut ainsi. Ils semblaient rechercher la solitude. On les trouvait en quelque coin de l’admirable parc, sous les cèdres séculaires, près du tennis, près de la vasque où pleure un jet d’eau. Elle paraissait pleine d’attention pour son mari, maternelle et amoureuse à la fois.

« De jeunes mariés », disait-on. À la tombée de la nuit, le domestique venait chercher Fréval. Il rentrait. Sa femme marchait à ses côtés. Il la regardait avec tendresse, avec orgueil aussi.

Un jour je l’avisai dans le hall. Elle n’était pas la.

— Tu es donc seul aujourd’hui ?

— Marceline est sur le lac. Je lui ai offert un canot à pétrole. Elle l’essaye aujourd’hui.

Durant toute la semaine elle disparut chaque après-midi. Puis, durant une autre semaine, elle ne bougea point. Puis elle disparut encore, et Fréval me dit :

— Marceline est partie jusqu’à Interlaken. Elle veut faire l’ascension de la Jungfrau et de je ne sais quel pic.

Mais quinze jours plus tard, après une semaine de repos à Beaurivage, nouvelle absence.

— Oh ! un simple tour en auto, me dit-il… Les lacs d’Italie, par le Simplon.

Sa voix tremblait un peu. J’eus l’impression qu’il aurait peut-être quelque plaisir à se confier, ainsi qu’aux heures où la peine que l’on éprouve est trop lourde. Et la curiosité me poussant — car est-il besoin de dire que le genre