Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/318

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tait progressivement, tout en s’efforçant d’exécuter les gestes contraires,

La jeune femme murmura :

— Il approche… nous sommes perdus, n’est-ce pas, Étienne ? il nous rattrapera…

— C’est une 20-chevaux… rien à faire !

— Mais c’est horrible, s’écria d’Astry d’une voix étranglée par la peur… Tenez, il gagne du terrain… je vois sa figure… il est seul… Ah ! il n’est pas à cinquante mètres.

Et la comtesse implora de nouveau :

— Étienne, je vous en supplie !

Cette prière désespéra Étienne. Mon Dieu, s’il avait pu la sauver !

Soudain, à dix longueurs de voiture, il aperçut devant lui un chemin qui coupait la route à angle droit. Tourner ? s’enfuir par là ? Trop tard, hélas ! À cette allure, c’eût été de la folie !

Il tourna. Deux cris retentirent. L’aile extérieure creusa un sillon dans le talus d’en face. L’espace d’une seconde ils eurent l’impression que la voiture hésitait. Elle se souleva, puis, redressée, fila…

Tout de suite Étienne dit :

— Pas possible que l’autre tourne… elle a trop d’élan.

— La voici, fit la jeune femme… Non, elle passe.

— Parbleu ! dit Étienne.

La route serpentait entre deux remblais qui la dissimulaient. Un carrefour se présenta, puis un autre. Ils étaient sauvés.

En vue d’un petit bois Étienne arrêta net, sauta de son siège, et ouvrit la portière.

— Pour plus de sûreté, que Monsieur le baron descende et se jette dans le bois. Alors je réponds de tout.

Le jeune homme obéit. Tout tremblant encore il tira son portefeuille. Étienne le saisit à l’épaule et le poussa rudement.

— Allons, filez par là… au galop.

Il referma la portière. La comtesse se pencha.