Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/327

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lemment l’étrangeté de l’aventure. D’ailleurs, je m’attendais à tout. Les périls les plus graves ne m’ont pas déconcerté. J’avais pris mon revolver.

Et le clocher surgit entre les hautes futaies dont les fermes s’entourent. N’allait-elle pas s’arrêter ? Ne pourrais-je la rejoindre et lui parler avant de pénétrer dans le bourg ? Je le tentai. D’un geste impérieux elle me signifia de garder ma distance.

Une petite côte, puis une descente assez brusque au milieu des maisons, puis la place du Marché. Et là encore des gens se tenaient à la terrasse d’une auberge, mais des gens en bien plus grand nombre, qui reçurent la jeune femme avec de véritables ovations.

Elle sauta de machine. J’en fis autant, et me dirigeai vers l’une des tables inoccupées, comme un touriste désireux de se rafraîchir.

Quelle fut ma stupéfaction quand l’inconnue s’approcha de moi, ouvertement, sans la moindre gêne, escortée de la bande de ses amis. L’un de ceux-ci s’en détacha. Elle me dit :

M. Fervannes, voulez-vous me permettre de vous présenter mon mari, Victor Duroussel, commerçant et conseiller municipal ?

Tour à tour elle me présenta Anthime Vêtu et sa dame, le pharmacien Postel, M. Bourquereux, épicier, et beaucoup d’autres dont le nom m’échappa.

J’étais confondu. Je saluais mécaniquement, je balbutiais des mots quelconques, tout en essayant de comprendre. En vérité, je devais faire piètre figure,

Mais Victor Duroussel s’écria :

— Maintenant que la connaissance est faite, si l’on débouchait quelques bouteilles de cidre !

On s’assit en tumulte autour de moi. M. Bourquereux fut mon voisin. Il me dit, en me tapant sur la jambe :

— Ainsi, ça y est, vous êtes venu ?

Le pharmacien Postel objecta :

M. Fervannes ne sait peut-être pas !