Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/336

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femme avait une émotion trop violente. Ce n’était rien. Il fallait simplement attendre. Nous attendîmes, et, machinalement, suivant une habitude ancienne que j’avais prise en de semblables circonstances, je me mis à lui caresser le front et les cheveux.

D’ordinaire ces sortes de passes magnétiques, très douces, l’apaisaient, puis la réveillaient. Et, de fait, elle sembla se calmer, et puis elle ouvrit les yeux.

Elle me vit et ne parut pas étonnée. Sans aucun doute elle n’avait pas conscience de l’heure présente et croyait vivre dans le passé. Elle murmura mon nom :

— C’est toi, René…

Mais la vue de son mari la troubla.

— Qu’y a-t-il ? Où sommes-nous ?

Son regard nous interrogeait alternativement. M. Chantelin expliqua :

— Rappelle-toi… l’accident… c’était Monsieur qui était avec nous… Il a eu l’obligeance…

Peu à peu la lumière se fit en son esprit. Elle eut un sourire malicieux, et, tout en se rajustant, elle me dit :

— Je vous remercie, docteur.

Je les quittai.

Une heure après mon automobile arrivait. Je fus bien aise de pouvoir rendre à M.  et Mme Chantelin la politesse que j’avais reçue d’eux. Sur mon invitation ils prirent place dans le tonneau et, sans autre incident, je ramenai jusqu’à leur domicile ma femme et son mari.

Maurice LEBLANC.