Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/340

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dessus, si maladroite, si lourde ! Gravely suait sang et eau pour la maintenir en équilibre. Il fallut un bon mois avant qu’il osât la livrer à elle-même. Et elle n’en menait pas large la première fois où elle ne l’entendit plus courir derrière elle.

Ce qui la stimulait, c’était la joie de Jacques.

— Grand’mère, avant huit jours, nous allons à Beauval et nous revenons par Issigny.

Or, elle eut lieu, cette première promenade. Tous deux, prêts à l’heure, bien équipés, Jacques ardent et fébrile, grand’mère résignée, ils partirent.

Il poussait des cris d’enthousiasme. Il lui semblait qu’il n’avait jamais vu ces pays-là, que ces routes étaient toutes nouvelles, spécialement aménagées pour eux, bien plus roulantes que les autres.

Entre Beauval et Issigny, cependant, il y a une mauvaise descente, hérissée de cailloux. Grand’mère heurta l’un de ces cailloux, décrivit quelques zigzags et tomba.

Jacques se précipita à son secours, mais il ne put la relever, Elle avait la jambe droite cassée,

Le mal fut plus grave qu’on ne le supposait tout d’abord. Durant trois mois elle dut garder le lit. Jacques ne la quitta pour ainsi dire pas. C’était lui la cause de tout cela, il le savait, et pour réparer sa faute il s’imposait auprès de la malade les tâches les plus ennuyeuses, comme de lui lire chaque matin son journal et la longue litanie de ses prières.

Enfin, le docteur déclara qu’elle ne pourrait plus marcher qu’avec des béquilles.

Jacques pleura quand il la vit ainsi, suspendue sur ces deux abominables instruments.