Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/385

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avait bien dit, mais ils ne le croyaient pas. Ils furent enthousiasmés.

La vitesse aussi les enchanta.

— C’est adorable, c’est féerique, c’est divin ! s’exclamait Bertrande, employant des épithètes inusitées pour exprimer des sensations nouvelles.

À peine s’ils s’arrêtèrent. Foin des monuments, des ruines et des curiosités banales ! Enivrés par l’espace, ils ne rêvaient plus que de s’y livrer sans réserve. Le grand air les surexcitait ; ils s’en abreuvaient et s’en nourrissaient comme de quelque chose d’exceptionnel qu’on ne pouvait trouver qu’à cette heure même, en cet endroit de la route, et qui leur était spécialement réservé.

Et le jour suivant ils allèrent encore, étonnés et ravis. Ils regardaient. Ils entendaient. Ils se servaient de leurs yeux et de leurs oreilles avec la surprise d’enfants qui surprendraient tout d’un coup le miracle de ce qu’ils sentent.

Il y a donc des formes, des couleurs, des bruits autres que ceux que l’on peut percevoir dans les rues de Paris ! L’air a donc une odeur particulière, un goût différent, selon qu’on l’aspire à l’aurore ou au crépuscule !

— Et ces arbres, femme chérie, vois donc ces beaux arbres !

— Et cette rivière |

— Et ces prairies !

Les vallons, les plateaux, les collines défilaient sous le voile bleu du grand ciel, avec leurs robes vertes ornées de fleurs, de tant de fleurs éclatantes et superbes. Et tout cela était gracieux, amusant, majestueux, tranquille et mouvementé. Ils n’en revenaient pas.

Pauvres vieilles gens qui s’éveillaient à la vie, à l’heure où la vie commence à s’envelopper d’ombre.