Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/402

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Elle. — Je ne demande pas mieux. Mais, sur la route en question, en dehors de Pontoise, qui ne manque pas d’un certain pittoresque, j’avoue que…

Lui. — Et Gisors ? Et Gournay ? Et Forges ? Et, si l’on veut s’écarter de quelques kilomètres, la paisible et dolente Neufchâtel ?

Elle. — J’ai traversé toutes ces bourgades…

Lui. — Et vous n’avez rien vu ? Eh bien, accordez-moi une grande joie : puisque vous devez partir aussi dans deux ou trois jours, je vous attendrai, nous ferons le voyage ensemble. Voulez-vous ? Oh ! il n’y a aucun piège dans ma Proposition. Simplement le désir de vous convaincre, d’ouvrir vos yeux. Allons, c’est accepté ?

Ils virent, assise sur ses abruptes falaises qu’enlace une rivière, Pontoise, antique cité qui à gardé les traces d’un passé redoutable. Suzanne Angély en aima le jardin public. Il a de la grâce et de la majesté. Il est amusant et mystérieux, naïf et compliqué. Il a des pelouses régulières, bordées d’arbres symétriques et bien taillés, et des coins de verdure profonde où les chemins s’enchevêtrent.

Au bras de d’Estrignat, dans les allées désertes, elle comprit tout ce qu’il y a d’intime et d’attendrissant dans un vieux jardin de province, où jouèrent ceux qui sont morts depuis des siècles, où ils se promenèrent, où ils aimèrent…

Ils virent Trie-le-Château, et la façade romaine de son église, et la tour ronde où Jean-Jacques habita.

Ils virent Gisors, ville héroïque, vingt fois prise et reprise, tour à tour anglaise et française, ligueuse et frondeuse, qui peut s’enorgueillir d’avoir ouvert ses portes à Philippe-Auguste, à Henri IV, à Louis XIV. Elle dort maintenant au pied de son château, ruine formidable et tragique.