Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/444

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Aucune instruction ne fut ouverte, pour cette excellente raison que le gamin renversé et laissé pour mort se releva, quelques instants après, absolument indemne et sans la moindre égratignure. Mais l’excès de vitesse était flagrant, et le chauffeur était passible d’une contravention.

Tout d’abord le numéro… Il n’y en avait point. Par bonheur la voiture portait une plaque : « Dollinger frères », et son numéro de fabrication : 824.

On écrivit à Dollinger frères. Ils répondirent que le 824 avait été vendu à M. Linant, de Roubaix.

On écrivit au parquet de Roubaix. M. Linant était mort l’année précédente et l’automobile, envoyée à l’Hôtel des Ventes, ainsi que tous les objets mobiliers de la succession, avait été adjugée à M. Martin, qui en avait pris possession contre paiement immédiat.

Qui était ce M. Martin ? D’où venait-il ? Où allait-il ? Il fut impossible de le savoir.

Alors on l’attendit. Il fallait bien qu’il se décidât à venir chercher sa voiture. On n’abandonne pas ainsi une Dollinger 24-chevaux, en excellent état, quand il ne s’agit, pour la reprendre, que de payer une amende dérisoire.

Il ne vint pas. Croyait-il que l’enfant était mort et que, par suite, sa 24-chevaux ne valait pas les dommages-intérêts et les mois de prison qui lui seraient infailliblement octroyés ? Mystère. Un trimestre s’écoula, un semestre, une année… Pas de M. Martin.

La déception fut grande. Et quel embarras ! Que faire de cette automobile ? Le conseil municipal décida qu’on la vendrait, quitte à payer, sur le produit de la vente, le montant de l’indemnité. Mais il fallait pour cela l’autorisation du Conseil de préfecture. On la sollicita. Et l’on doutait si peu du succès que l’on demanda un mécanicien qui effectua les réparations nécessaires.