Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/460

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Et pour arriver à ce but, quel chemin facile et sûr ! Il aurait soi-disant aperçu miss Nelly à Londres, et aurait imaginé pour l’approcher, de se déguiser en mécanicien. Un hasard qu’il se chargeait de faire naître — car il comptait bien prolonger son rôle au-delà de la présente journée, renseignerait la jeune fille qui, touchée d’un amour aussi romanesque, éblouie par les manières séduisantes de ce prince Charmant, ne pourrait manquer de lui tendre la main. Quelques années après, Darlington mourrait, et ce n’était plus vingt millions…

C’est en enchaînant les uns aux autres ces rêves délicieux que Dreux-Soubise arriva à Dieppe, sur le coup de trois heures. Il eut encore le temps d’acheter une casquette de mécanicien, en cuir fauve et de dissimuler l’élégance de ces vêtements sous un cache-poussière de qualité inférieure. À trois heures vingt il rangeait sa voiture le long du quai. Un quart d’heure après, un gros monsieur en costume traditionnel d’Anglais qui voyage, l’abordait. Il était suivi d’une femme de chambre qui portait un sac et d’un commissionnaire chargé de valises.

— C’est vous l’homme de. M. Vernou ?

— C’est moi, Monsieur.

On emplit l’auto des valises, des sacs et des couvertures. Puis Darlington s’assit et la femme de chambre s’assit auprès de lui.

— En route, fit l’Anglais.

Dreux-Soubise, un peu interloqué, Ôta sa casquette :

— Monsieur m’excusera, mais miss Darlington ?…

L’Anglais le regarda d’un air stupéfait.

— Ma fille ! Mais ma fille est là, dit-il en montrant la femme de chambre.