Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/65

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— Qu’importe que l’on soit malade, déprimé, vite essoufflé, vite las, si l’on est physiquement tout ce que l’on peut être, si l’on arrive à réaliser avec les moyens dont on dispose l’individu parfait que chacun porte en soi ?

Et il déclara d’un ton ferme :

— Cette perfection, je la réalise. Oh ! je ne te cacherai pas qu’il m’a fallu un rude courage. Après ma maladie je n’avais qu’une idée : m’étendre et rêvasser. Et puis, peu à peu, j’ai repris le dessus, et je crois que tout le monde peut en faire autant : il ne s’agit que de proportionner son effort. Regarde cet haltère, il pèse une livre, c’est le premier avec lequel je me suis exercé, et ce fut, n’en ris pas, une âpre bataille entre lui et moi. Regarde cet autre, quatre livres ; eh bien, je jongle avec, aujourd’hui.

De quel air orgueilleux il me dit cela ! Mais un enfant qui soulève un chapeau n’en conçoit-il pas de l’orgueil ?

Poursuivant le récit de ses prouesses, il me dit encore :

— Tu as vu ma piste de marche. Sais-tu qu’il me fallait un quart d’heure, il y a six ans, pour en faire cinq fois le tour, c’est-à-dire deux cent cinquante mètres ? Un kilomètre à l’heure, mon pauvre vieux. Maintenant j’arrive presque à deux. Et remarque bien que ma santé ne s’est pas améliorée, au contraire. C’est ma volonté qui est en progrès quotidien, volonté morale et volonté inconsciente de mes muscles. C’est elle dont j’ai entrepris l’éducation, après l’avoir pour ainsi dire mise au monde, car vraiment je n’en avais plus.

Je me souviens de la première tâche que je me suis imposée : lever une fois par jour, le matin, mes bras au plafond. Eh bien, tantôt, je ne sais si tu l’as noté, nous sommes revenus du village à bicy-