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“813”
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— Et contre cet empire, l’Angleterre exigeait ?

— La limitation de la flotte allemande.

— Et la France ?

— L’Alsace et la Lorraine.

L’Empereur se tut, appuyé contre la table, pensif.

Lupin poursuivit :

— Tout était prêt. Les cabinets de Paris et de Londres, pressentis, acquiesçaient. C’était chose faite. Le grand traité d’alliance allait se conclure, fondant la paix universelle et définitive. La mort de votre père anéantit ce beau rêve. Mais je demande à Votre Majesté ce que pensera son peuple, ce que pensera le monde quand on saura que Frédéric III, un des héros de 70, un Allemand, un Allemand pur sang, respecté de tous ses concitoyens et même de ses ennemis, acceptait, et par conséquent considérait comme juste, la restitution de l’Alsace-Lorraine ?

Il se tut un instant, laissant le problème se poser en termes précis devant la conscience de l’Empereur, devant sa conscience d’homme, de fils et de souverain.

Puis il conclut :

— C’est à Sa Majesté de savoir si elle veut ou si elle ne veut pas que l’histoire enregistre ce traité. Quant à moi. Sire, vous voyez que mon humble personnalité n’a pas beaucoup de place dans ce débat.

Un long silence suivit les paroles de Lupin. Il attendit, l’âme angoissée. C’était son destin qui se jouait, en cette minute qu’il avait conçue, et qu’il avait en quelque sorte mise au monde