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bus, tu lui remettras la clef et lui diras le mot d’ordre : Dolor. Vous irez ensemble au Crédit Lyonnais. Jérôme entrera seul, signera le registre d’identité, descendra dans les caves, et emportera tout ce qui se trouve dans le coffre-fort. Compris, n’est-ce pas ?

— Oui, patron. Mais si par hasard le coffre n’ouvre pas ; si le mot « Dolor »…

— Silence, Marco. Au sortir du Crédit Lyonnais, tu lâcheras Jérôme, tu rentreras chez toi et tu me téléphoneras le résultat de l’opération. Si par hasard le mot « Dolor » n’ouvre pas le coffre, nous aurons, mon ami Rudolf Kesselbach et moi, un entretien… suprême. Kesselbach, tu es bien sûr de ne t’être point trompé ?

— Oui.

— C’est qu’alors tu escomptes la nullité de la perquisition. Nous verrons ça. File, Marco.

— Mais vous, patron ?

— Moi, je reste. Oh ! ne crains rien. Je n’ai jamais couru aussi peu de danger. N’est-ce pas, Kesselbach, la consigne est formelle ? Tu n’attends personne ?

— Personne !

— Diable, tu me dis ça d’un air bien empressé. Est-ce que tu aurais cherché à gagner du temps ? Alors je serais pris au piège, comme un idiot…

Il réfléchit, regarda son prisonnier, et conclut :

— Non… c’est pas possible… nous ne serons pas dérangés…

Il n’avait pas achevé ce mot que la sonnerie du vestibule retentit.

Violemment, il appliqua la main sur la bouche de Rudolf Kesselbach.

— Ah ! vieux renard, tu attendais quelqu’un !

Les yeux du captif brillaient d’espoir. On l’entendit ricaner, sous la main qui l’étouffait.

L’homme tressaillit de rage.

— Tais-toi… sinon, j’étrangle. Tiens, Marco, bâillonne-le. Fais vite… Bien.

On sonna de nouveau. Il cria, comme s’il était, lui, Rudolf Kesselbach, et qu’Edwards fût encore là :

— Ouvrez donc, Edwards.

Puis il passa doucement dans le vestibule, et à voix basse, désignant le secrétaire et le domestique :

— Marco, aide-moi à pousser ça dans la chambre… là… de manière à ce qu’on ne puisse les voir.

Il enleva le secrétaire, Marco porta le domestique.

— Bien, maintenant retourne au salon.

Il le suivit, et aussitôt repassant une seconde fois dans le vestibule, il prononça très haut, d’un air étonné :

— Mais votre domestique n’est pas là, monsieur Kesselbach… Non, ne vous dérangez pas… finissez votre lettre… J’y vais moi-même.

Et, tranquillement, il ouvrit la porte d’entrée.

— M. Kesselbach ?

Il se trouvait en face d’une sorte de colosse, à la large figure réjouie, aux yeux vifs, qui se dandinait d’une jambe sur l’autre et tortillait entre ses mains les rebords de son chapeau.

Il répondit :