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Sans s’arrêter, et dédaigneux de l’ascenseur, il monta les escaliers. Au quatrième étage, il tourna à droite, suivit le couloir et vint sonner à la porte du 415.

Aucun bruit ne se faisant entendre, il recommença. Après une demi-douzaine de tentatives infructueuses, il se dirigea vers le bureau de l’étage. Un maître d’hôtel s’y trouvait.

M. Kesselbach, s’il vous plaît ? Voilà dix fois que je sonne.

M. Kesselbach n’a pas couché là. Nous ne l’avons pas vu depuis hier après-midi.

— Mais son domestique ? son secrétaire ?

— Nous ne les avons pas vus non plus.

— Alors eux non plus n’auraient pas couché à l‘hôtel ?

— Sans doute.

— Sans doute ! Mais vous devriez avoir une certitude.

— Pourquoi ? M. Kesselbach n’est pas à l’hôtel ici, il est chez lui, dans son appartement particulier. Son service n’est pas fait par nous, mais par son domestique, et nous ne savons rien de ce qui se chez lui.

— En effet… en effet…

Gourel semblait fort embarrassé. Il était venu avec des ordres formels, une mission précise, dans les limites de laquelle son intelligence pouvait s’exercer. En dehors de ces limites, il ne savait trop comment agir.

— Si le chef était là…, murmura-t-il…, si le chef était là…

Il montra sa carte et déclina ses titres. Puis il demanda à tout hasard :

— Donc, vous ne les avez pas vus rentrer ?

— Non.

— Mais vous les avez vus sortir ?

— Non plus.

— En ce cas, comment savez-vous qu’ils sont sortis ?

— Par un monsieur qui est venu hier après-midi au 415.

— Un monsieur à moustaches brunes ?

— Oui. Je l’ai rencontré comme il s’en allait, vers trois heures. Il m’a dit : « Les personnes du 415 viennent de sortir. M. Kesselbach couchera ce soir à Versailles, aux Réservoirs, où vous pouvez lui expédier son courrier. »

— Mais quel était ce monsieur ? À quel titre parlait-il ?

— Je l’ignore.

Gourell était inquiet. Tout cela lui paraissait assez bizarre.

— Vous avez la clef ?

— Non. M. Kesselbach avait fait faire des clefs spéciales.

— Allons voir.

Gourel sonna de nouveau, furieusement. Rien. Il se disposait à partir, quand soudain il se baissa et appliqua vivement son oreille contre le trou de la serrure.

— Écoutez… on dirait… mais oui… c’est très net… des plaintes… des gémissements.

Il donna dans la porte un formidable coup de poing.

— Mais, monsieur, vous n’avez pas le droit…

— Je n’ai pas le droit ?

Il frappait à coups redoublés, mais si vainement qu’il y renonça aussitôt.

— Vite, vite, un serrurier.

Un des garçons d’hôtel s’éloigna en courant… Gourel allait de droite à gauche, bruyant et indécis. Les domestiques des autres étages formaient des groupes. Les gens du bureau, de la direction, arrivaient.

Gourel s’écria :

— Mais pourquoi n’entrerait-on pas par