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Et, soudain, il partit, d’un fou rire.

— Oh ! que c’est drôle ! Mais il y a de quoi en être malade… Comprenez-vous l’ironie délicieuse de l’aventure, mon cher monsieur Weber ? Lupin, chef de notre expédition ! Lupin ne pouvant tenir lui--même sa promesse et s’adressant à la police pour l’y aider ! Lupin vous félicitant ! Lupin nous prédisant un bel avenir… Dieu ! que c’est amusant !

Mais il s’arrêta court, soudain grave.

— Dites donc, mon cher, ce n’est pas une blague au moins ?… Vous croyez que Sernine est Lupin, et que Lupin est Sernine ? En vérité, pour la beauté de la chose, il serait dommage que ce ne fût pas vrai…

Assez penaud, M. Weber se taisait. Il examinait la question sous toutes ses faces, pesait le pour et le contre, évoquait aussi l’attitude du prince, son accent un peu ironique. De petits détails lui revinrent à la mémoire.

Il conclut, indécis encore :

— Monsieur le président, je crois que vous pouvez être satisfait. Il y a bien des chances pour que le prince Sernine soit Lupin. Et je m’en félicite.

— Pourquoi ?

— Parce que, au lieu de prendre tantôt deux bandits, j’en prendrai trois. La journée sera bonne. Seulement…

— Seulement ?

— Seulement ce n’est pas huit hommes que j’emmènerai au rendez-vous.

— Ah ! et combien ?

— Deux cents.


II


— À qui donc viens-tu de dire bonjour dans l’anti-chambre du ministère ? demanda Sernine à Doudeville, comme ils sortaient de la place Beauvau.

— Un camarade de la Sûreté. Il apportait au sous-chef une lettre urgente.

— Ah ! fit Sernine d’un ton soucieux… Qu’est-ce que ça peut bien être !

— Vous craignez quelque chose, patron ?

— Je crains toujours quelque chose…