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blier qu’on enlève deux dames, c’est-à-dire, une demoiselle… dont je me charge… et la veuve Kesselbach.

— Je me charge de la veuve, avec Jules. Mais, s’il y a des gens sur la route ?

— Vas-y tout de même. Les gens n’ont de courage qu’après, quand il est trop tard. Sur le-moment, ça les estomaque. Six heures tapant, hein ? Jules, faudra pas éteindre ton moteur. Ah ! une idée, et des meilleures… on simulera une panne devant la grille… J’oubliais… il faudra tourner avant la panne, n’est-ce pas, Jules ? car nous repartirons du côté de Roquencourt et de Saint-Germain. Il y a de l’espace par là. Convenu, les gars ?

Et Varnier, allumant une cigarette, s’en alla tout doucement à pied par le chemin de gauche. Au bout d’une petite heure il arrivait au domaine de Villeneuve.

Dépecé maintenant, abîmé, le domaine de Villeneuve conserve encore quelque chose de la splendeur qu’il connut, au temps où l’impératrice Eugénie venait y faire ses couches. Avec ses vieux arbres, son étang, l’horizon de feuillage que déroule le parc de Saint-Cloud, le paysage a de la grâce et de la mélancolie.

Une partie importante du domaine fut donnée à l’institut Pasteur. Une portion plus petite, et séparée de la première par tout l’espace réservé au public, forme une propriété encore assez vaste, comprise dans l’enceinte des murs et où s’élèvent, autour du bâtiment principal plusieurs pavillons isolés.

Un joli jardin, tout coloré de fleurs et de plantes, borde la route. Sur la porte, cette inscription :


Maison de retraite pour Dames

L’inscription devrait mentionner, pour être absolument exacte, qu’il s’agit de dames veuves, ou de dames en instance de divorce, ou de jeunes filles orphelines, enfin de toute personne cherchant le repos, la solitude et le calme d’une retraite honorable.

« La veuve Kesselbach habite là, se dit Varnier, en jetant un coup d’œil sans s’arrêter… Quant à la jeune fille, rappelons- nous bien… la première ruelle à gauche, et, dans cette ruelle, la troisième maison à droite. »

Plus loin, il fit une halte, et, tout en affectant d’examiner, par la grille large ouverte, l’étang de Villeneuve, le pont de bois qui s’accroche à l’île, les pelouses onduleuses, il étudiait les abords de l’entrée, la disposition, du trottoir et de la route.

Deux minutes après, il tournait à gauche. La troisième maison sur la droite était environnée d’une haie par-dessus laquelle on apercevait une cour plantée d’arbres, quelques massifs bien taillés et une longue maison blanche.