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— Vous êtes de Sedan, n’est-ce pas, monsieur ?

D’un ton sec, je ripostai :

— Moi ? non.

— Ah ! pardon, il m’avait semblé…

Au lieu de s’éloigner, il se mit à causer de Berlin, de ses habitants, des théâtres, des concerts. Il parlait sans embarras, tout à l’aise, ainsi qu’à un ami de vieille date. Je l’écoutai d’abord avec plaisir, heureux d’entendre un peu de cette langue qui tinte si doucement et qui réchauffe le cœur quand on est loin de France. Mais un doute me vint. Je me rappelai l’article du journal et l’étrange façon dont l’inconnu m’avait abordé. Ce devait être quelque aventurier à la recherche d’un compatriote naïf. Du reste, je n’avais jamais mis les pieds à Sedan, il ne pouvait donc m’y avoir rencontré.

Il m’offrit ses services, se proposant comme guide pour la visite des musées, des châteaux, des environs, et il ajouta d’une voix humble :

— Je vous en prie, acceptez, je ne demande rien que d’être nourri pendant quelques jours. Je ne veux pas d’argent.

Je l’observai. Sa pâleur m’étonna. Néanmoins, ne provenait-elle pas des reflets verdâtres et maladifs que répandaient les becs électriques ?

Je répliquai :