Page:Leblanc - Ceux qui souffrent, recueil de nouvelles reconstitué par les journaux de 1892 à 1894.pdf/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui, un jour, s’il abandonnait le compagnon de sa vie, à l’heure solennelle du trépas ! Il se rappela les services rendus, les bons avis, l’affection presque paternelle du malheureux. Non, il ne le sacrifierait pas. L’amitié est chose sainte.

Et l’honneur ? Son nom flétri, bafoué… Un homme maître de son bien, les lèvres de sa femme baisées par d’autres lèvres !

Une fois encore il s’arrêta. Il souffrait horriblement. Il souffrait de son hésitation surtout, plus encore que du double désastre qui le terrassait. Que faire ?

Il alla dans un sens, revint dans l’autre, indéfiniment. Des mots bourdonnaient à son oreille : l’honneur, le devoir, l’amour, l’amitié. Auquel obéir ?

Il n’en pouvait plus. Ses idées se brouillaient. Regardant autour de lui, il aperçut des gens, des gens en foule qui s’étaient attroupés. Il fallait se décider pourtant. Son ami ? Sa femme ? Quelle torture stupide !

Et soudain il piqua des deux comme un fou, galopa vers le Bois, galopa dans les allées désertes, galopa le long de la Seine, fuyant à toute vitesse l’atroce obligation de se résoudre, soulagé, heureux presque, heureux ! — durant que sa femme le trompait et que mourait son meilleur ami !