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tes « qui sont apocryphes », disait-il, et tâchait de les entraîner sans qu’ils eussent vu le médaillon des deux satyres.

Ses paroissiens l’inquiétaient avant tout. Il les épia, dissimulé derrière un pilier. Parfois il se glissait jusqu’à la cage, ouvrait avec précaution, et avançait la tête précipitamment. À l’arrivée des enfants pour le catéchisme, à leur départ, il se postait sur leur passage et de sa large soutane cachait le bas-relief. Au confessionnal il interrogeait son pénitent avec minutie, distinguait, à chaque faute, un motif inavoué et plus grave, toujours cette marque de luxure qui profanait l’église.

Il n’admettait pas que d’autres causes pussent engendrer le péché. Car cela c’est le commencement de tout, cela nous domine, nous commande, nous affole, cela c’est l’emblème de l’amour, le symbole de l’union des corps, c’est le péché originel, le grand Péché qui nous a tous perdus et nous perdra tous. Et cela, ô honte, le germe des souillures mortelles, s’étalait dans la maison de Dieu. Dieu lui-même propageait le mal. Il émanait de lui comme une contagion. La gangrène avait son point de départ, son foyer, chez celui-là même qui défend de succomber. Et il voyait Dieu planant sur le monde, se penchant vers lui et, comme un semeur gigantesque, versant à pleines mains les vices, les appétits, la concupiscence, l’amour, tous ces péchés qu’il punit de l’enfer !