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L’ÉCLAT D’OBUS

que je dis… Ma tête se perd. Pourquoi suis-je restée dans ce château ? Il fallait m’emmener de force, Paul…

« Paul, sais-tu ce qu’il a imaginé ?… Ah ! le lâche… On a gardé douze habitants d’Ornequin, comme otages, et c’est moi, c’est moi qui suis responsable de leur existence… Comprends-tu l’horreur ? Selon ma conduite, ils vivront ou seront fusillés, un à un… Comment croire une telle infamie ? Veut-il seulement me faire peur ? Ah ! l’ignominie de cette menace ! Quel enfer ! J’aimerais mieux mourir… »


Neuf heures soir.

« … Mourir ? Mais non, pourquoi mourir ? Rosalie est venue. Son mari s’est concerté avec une des sentinelles qui prendront la garde cette nuit à la petite porte du parc, plus loin que la chapelle.

« À trois heures du matin, Rosalie me réveillera, et nous nous enfuirons jusqu’à de grands bois où Jérôme connaît un refuge inaccessible… Mon Dieu, si nous pouvions réussir ! »


Onze heures soir.

« Que s’est-il passé ? Pourquoi me suis-je relevée ? Tout cela n’est qu’un cauchemar, j’en suis sûre… et pourtant je tremble de fièvre, et c’est à peine si je puis écrire… Et ce verre d’eau sur ma table ?… Pourquoi est-ce que je n’ose pas boire de cette eau, comme j’ai coutume de le faire aux heures d’insomnie ?

« Ah ! l’abominable cauchemar ! Comment oublierai-je jamais ce que j’ai vu tandis que je dormais ? Car je dormais, j’en suis certaine ; je m’étais couchée pour prendre un peu de repos