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L’ÉCLAT D’OBUS
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Roye, Lassigny, Chaulnes… Plus tard, le canal de la Bassée et la rivière de la Lys… Et plus tard enfin, Ypres, Ypres ! Les deux lignes s’arrêtent là, prolongées jusqu’à la mer. Après les rivières françaises, après la Marne, après l’Aisne, après l’Oise, après la Somme, c’est un petit ruisseau belge que va rougir le sang des jeunes hommes. L’effroyable bataille de l’Yser commence.

Bernard, qui gagna rapidement les galons de sergent, et Paul Delroze vécurent dans cet enfer jusqu’aux premiers jours de décembre. Ils formèrent, avec une demi-douzaine de Parisiens, deux engagés volontaires, un réserviste, et un Belge du nom de Laschen, échappé de Roulers et qui avait jugé plus expéditif, pour combattre l’ennemi, de se joindre aux Français, une petite troupe que le feu semblait respecter. De toute la section commandée par Paul, il ne restait que ceux-là, et, lorsque cette section fut reconstituée, ils continuèrent à se grouper entre eux. Toutes les missions dangereuses, ils les revendiquaient. Et toujours, leur expédition finie, ils se retrouvaient sains et saufs, sans une égratignure, comme s’ils se portaient mutuellement bonheur.

Durant les deux dernières semaines, le régiment, lancé à l’extrême pointe d’avant-garde, fut flanqué de formations belges et de formations anglaises. Il y eut assaut d’héroïsme. De furieuses charges à la baïonnette furent exécutées, dans la boue, dans l’eau même des inondations, et les Allemands tombaient par milliers et par dizaines de milliers.

Bernard exultait.

— Vois-tu, Tommy, disait-il à un petit sol-