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L’ÉCLAT D’OBUS
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hésitait, comme on hésite devant un acte dont on ne connaît pas toute la portée. Qui était ce bandit ? Quelle personnalité lui attribuer ? Aujourd’hui, major Hermann et chef de l’espionnage allemand ; hier, compagnon de plaisir du prince Conrad, tout-puissant au château d’Ornequin, se déguisant en paysanne et rôdant à travers Corvigny ; jadis assassin, complice de l’empereur, châtelaine d’Ornequin… Parmi toutes ces personnalités, qui toutes n’étaient que les aspects divers d’un seul et même être, quelle était la véritable ?

Éperdument, Paul regardait le major, comme il avait regardé la photographie, et, dans la chambre close, le portrait d’Hermine d’Andeville. Hermann… Hermine… les noms se confondaient en lui.

Et il notait la finesse des mains, blanches et petites ainsi que des mains de femme. Les doigts effilés s’ornaient de bagues aux pierres précieuses. Les pieds aussi, chaussés de bottes, étaient délicats. Le visage, très pâle, n’offrait aucune trace de barbe. Mais toute cette apparence efféminée était démentie par le son rauque d’une voix éraillée, par la lourdeur des mouvements et de la démarche, et par une sorte d’énergie réellement barbare.

Le major plaqua ses deux mains sur sa figure et réfléchit pendant quelques minutes. Karl le considérait avec une certaine pitié et un air de se demander si son maître n’éprouvait pas, au souvenir des crimes commis, un commencement de remords.

Mais le maître, secouant sa torpeur, lui dit, — et sa haine seule frissonnait en sa voix à peine perceptible :