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L’ÉCLAT D’OBUS

tion ne se produisît, les deux personnages se guindèrent en posture militaire, et les soldats, plus raides encore, prirent un air de mannequins.

La porte s’ouvrit.

L’entrée se fit en coup de vent, dans un cliquetis de sabre et d’éperons. Tout de suite l’homme qui arrivait ainsi donnait l’impression de la hâte fiévreuse et du départ imminent. Ce qu’il venait accomplir, il n’avait le temps de l’accomplir qu’en un nombre restreint de minutes.

Un geste : tous les assistants défilèrent.

L’empereur et l’officier français restaient l’un en face de l’autre.

Et aussitôt l’empereur articula d’une voix furieuse :

— Qui êtes-vous ? Qu’êtes-vous venu faire ? Où sont vos complices ? Sur l’ordre de qui avez-vous agi ?

Il était difficile de reconnaître en lui l’image qu’offraient ses photographies ou les dessins des journaux, tellement la figure avait vieilli, masque ravagé maintenant, creusé de rides, barbouillé d’une teinte jaunâtre.

Paul tressaillait de haine, non pas tant d’une haine personnelle suscitée par le souvenir de ses propres souffrances que d’une haine faite d’horreur et de mépris pour le plus grand criminel qui se pût imaginer. Et, malgré sa volonté absolue de ne pas s’écarter des formules d’usage et des règles du respect apparent, il répondit :

— Qu’on me détache !

L’empereur sursauta. C’était certes la première fois qu’on lui parlait ainsi, et il s’écria :