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L’ÉCLAT D’OBUS

— Non, sire. La vie du prince Conrad répond de la mienne.

L’empereur haussa les épaules.

— Si le prince Conrad est vivant on le trouvera.

— Non, sire, on ne le trouvera pas.

— Il n’y a pas de retraite en Allemagne où l’on puisse le soustraire à mes recherches, affirma-t-il en frappant du poing.

— Le prince Conrad n’est pas en Allemagne, sire.

— Hein ? Qu’est-ce que vous dites ?

— Je dis que le prince Conrad n’est pas en Allemagne, sire.

— Où est-il en ce cas ?

— En France.

— En France !

— Oui, sire, en France, au château d’Ornequin, sous la garde de mes amis. Si demain soir, à six heures, je ne les ai pas rejoints, le prince Conrad sera livré à l’autorité militaire.

L’empereur sembla suffoqué, au point que sa colère en fut brisée net et qu’il ne chercha même pas à dissimuler la violence du coup. Toute l’humiliation, tout le ridicule qui rejaillirait sur lui, sur sa dynastie et sur l’empire, si son fils était prisonnier, l’éclat de rire du monde entier à cette nouvelle, l’insolence que donnerait à l’ennemi la possession d’un tel otage, tout cela apparut dans son regard inquiet et dans ses épaules qui se courbèrent.

Paul sentit le frisson de la victoire. Il tenait cet homme aussi solidement que l’on tient sous son genou le vaincu qui vous demande grâce, et l’équilibre des forces en présence était si bien rompu en sa faveur que les yeux mêmes