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L’ÉCLAT D’OBUS

Le mouvement de repli continuait sur la rive gauche. À Crouy, l’âpreté des pertes et l’épaisseur de la boue arrêtaient l’élan des Marocains. Un pont de bateaux, hâtivement construit, s’en allait à la dérive.

Lorsque Paul reparut, vers six heures du soir, un peu de sang dégouttait sur sa manche. Élisabeth s’effraya.

— Ce n’est rien, dit-il en riant. Une égratignure que je me suis faite, je ne sais où.

— Mais ta main, regarde ta main. Tu saignes !

— Non, ce n’est pas mon sang. Ne t’inquiète pas. Tout va bien.

Bernard lui dit :

— Tu sais que le général en chef est à Soissons depuis ce matin ?

— Oui, il paraît… Tant mieux. J’aimerais à lui offrir l’espionne et sa bande. Ce serait un beau cadeau.

Durant une heure encore il s’éloigna. Puis il revint et se fit servir à dîner.

— Maintenant tu sembles sûr de ton fait, observa Bernard.

— Est-on jamais sûr ? Cette femme est le diable en personne.

— Mais tu connais son repaire ?

— Oui.

— Et tu attends quoi ?

— Neuf heures. Jusque-là je me repose. Un peu avant neuf heures, réveillez-moi.

Le canon ne cessait de tonner dans la nuit lointaine. Parfois un obus tombait sur la ville avec un grand fracas. Des troupes passaient en tous sens. Puis il y avait des silences où les bruits de la guerre semblaient suspendus,