Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/113

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« Oh ! François… mon chéri… »

Elle avait aperçu, à un mètre d’elle tout au plus, un renfoncement, un creux qui paraissait l’entrée d’une grotte taillée en pleine falaise.

Elle articula :

« Stéphane… Stéphane… » mais d’une voix si faible que Stéphane Maroux, s’il était là, ne pouvait l’entendre.

Elle hésita quelques secondes, mais ses jambes fléchissaient, elle n’avait plus la force ni de remonter ni de rester suspendue. S’aidant de quelques aspérités, et déplaçant ainsi l’échelle, au risque de la décrocher, elle réussit, par une sorte de miracle dont elle avait conscience, à saisir un silex qui pointait hors du granit, et à mettre le pied dans la grotte. Avec une énergie farouche, elle fit alors un effort suprême, et, d’un élan qui rétablit son équilibre, elle entra.

Tout de suite, elle avisa quelqu’un couché sur de la paille et qui était attaché par des cordes.

La grotte était petite, peu profonde, surtout dans sa partie supérieure, orientée vers le ciel plutôt que vers la mer, et devait apparaître de loin comme une simple anfractuosité de falaise. Au bord, nul ressaut ne la limitait. La lumière y pénétrait sans obstacle.

Véronique, s’approcha. L’homme ne bougea pas. Il dormait.

Elle s’inclina sur lui, et, bien qu’elle ne le reconnût pas d’une façon certaine, il lui sembla qu’un souvenir se dégageait de ce passé ténébreux où s’évanouissent peu à peu toutes les images de notre enfance. Celle-ci ne lui était sûrement pas familière, — figure douce, aux traits réguliers, aux cheveux blonds rejetés en arrière, au front large et pâle, figure un peu féminine qui rappelait à Véronique le visage charmant d’une amie de couvent morte avant la guerre.

D’une main adroite elle défit les liens qui serraient les deux poignets.

Sans se réveiller encore, l’homme tendit les bras, comme s’il se fût prêté à une opération déjà effectuée, coutumière, et qui ne le dérangeait pas nécessairement de son sommeil. On devait ainsi le libérer de temps en