Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/146

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venait. Alors, elle baissa les yeux vers François et fit un mouvement comme pour ressaisir sa proie.

« N’y touchez pas ! reprit Véronique avec violence. N’y touchez pas, ou je tire ! » La femme haussa les épaules et scanda :

« Pas de menaces. Si j’avais voulu le tuer, ton enfant, ce serait déjà fait. Mais son heure n’est pas venue, et ce n’est pas par moi qu’il doit mourir. »

Malgré elle, Véronique murmura, toute frémissante :

« Par qui doit-il mourir ?

— Par mon fils. Tu sais… celui que tu viens de voir.

— C’est votre fils, l’assassin… le monstre !…

— C’est le fils de…

— Taisez-vous ! taisez-vous ! ordonna Véronique, comprenant que cette femme avait été la maîtresse de Vorski et craignant qu’elle ne fît quelque révélation devant François… Taisez-vous, ce nom-là ne doit pas être prononcé.

— Il le sera quand il le faudra, dit la femme. Ah ! j’ai souffert par toi, Véronique, c’est à ton tour, et tu n’en es qu’au début !…

— Va-t’en, cria Véronique, l’arme toujours braquée.

— Pas de menaces, encore une fois.

— Va-t’en ou je tire. Sur la tête de mon fils, je le jure. »

La femme recula, inquiète quand même. Mais un nouvel accès de rage la souleva. Impuissante, elle porta ses deux poings en avant, et articula d’une voix rauque et saccadée :

« Je me vengerai… tu verras ça, Véronique… La croix… comprends-tu… la croix est dressée… tu es la quatrième… Quelle vengeance ! »

Ses poings secs et noueux s’agitaient. Elle dit encore :

« Ah ! comme je te hais ! Quinze ans de haine ! Mais la croix me vengera… C’est moi, c’est moi qui t’attacherai là-haut… La croix est dressée… tu verras… la croix est dressée… »

Elle s’en alla lentement, toute droite, sous la menace du revolver.

« Maman, ne la tue pas, n’est-ce pas ? » murmura