Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/222

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qui ne comprend pas et qui cherche vainement à comprendre.

« Eh bien, quoi, mon gros, s’écria le Druide, tu as l’air médusé. Encore du grabuge ? Quelque chose qui ne va pas ? Faut-il que je t’aide ? »

Vorski ne répondit pas. Il regardait éperdument, avec une expression de stupeur et d’effroi qui se changeaient peu à peu en une folle épouvante. Des gouttes de sueur découlèrent de son crâne. Ses yeux hagards semblaient contempler la plus horrible des visions.

Le vieillard éclata de rire.

« Jésus-Marie, que tu es laid ! Pourvu que la dernière Druidesse ne soulève pas ses divines paupières et n’aperçoive pas ton affreuse binette ! Dormez, Velléda. Dormez votre pur sommeil sans rêves. »

Vorski mâchonnait des paroles inachevées où grondait une colère croissante. À coups d’éclairs, une partie de la vérité l’illuminait. Un mot lui montait aux lèvres, qu’il refusait de prononcer, comme s’il avait peur en le prononçant, de donner la vie à un être qui n’était plus, à cette femme morte, oui, morte, bien qu’elle respirât, et qui ne pouvait pas ne pas être morte, puisqu’il l’avait tuée. À la fin, cependant, et malgré lui, il articula, et chaque syllabe lui coûtait d’intolérables souffrances :

« Véronique… Véronique…

— Tu trouves donc qu’elle lui ressemble ? ricana le vieux Druide. Ma foi, peut-être as-tu raison… il y a un air de famille… Hein ! si tu n’avais pas mis l’autre en croix de tes propres mains, et si tu n’avais pas recueilli toi-même son dernier soupir, tu serais prêt à jurer que les deux femmes ne font qu’une même et unique personne et que Véronique d’Hergemont est vivante, et qu’elle n’est même pas blessée… pas même une cicatrice… pas seulement la marque des cordes autour des poignets… Mais regarde donc, Vorski, quel visage paisible ! quelle sérénité réconfortante ! Ma parole, je commence à croire que tu t’es trompé et que tu as mis en croix une autre femme ! Réfléchis… Allons bon ! voilà que tu t’en prends à moi ! Venez à mon secours, ô Teutatès. Le prophète va me démolir. »