Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/28

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voulu que l’on crût à sa mort et à la mort de mon pauvre enfant ?

— Votre père avait juré de se venger…

— Contre Vorski, mais contre moi ?… contre sa fille ?… et une pareille vengeance !…

— Vous aimiez votre mari. Une fois en son pouvoir, au lieu de le fuir, vous avez consenti à l’épouser. Et puis l’injure avait été publique… Et vous connaissiez votre père, son caractère violent, rancunier… sa nature un peu… un peu déséquilibrée, selon son expression.

— Mais depuis ?…

— Depuis !… depuis !… les remords sont venus avec les années, avec la tendresse qu’il portait à l’enfant… et il vous a cherché partout… J’en ai fait des voyages ! à commencer par mon voyage aux Carmélites de Chartres. Mais vous étiez partie longtemps avant… et où ? où vous retrouver ?

— Une annonce dans les journaux…

— Il en a fait une, très discrète forcément à cause du scandale. Quelqu’un a répondu. On a pris rendez-vous. Savez-vous qui est venu au rendez-vous ? Vorski. Vorski, lequel vous cherchait aussi, lequel vous aimait toujours et vous haïssait. Votre père a eu peur et n’a pas osé agir ouvertement. »

Véronique se taisait. Toute défaillante, elle s’était assise sur la pierre et gardait la tête penchée.

Elle murmura :

« Vous parlez de mon père comme s’il vivait encore aujourd’hui…

— Il vit.

— Et comme si vous le voyiez souvent…

— Chaque jour.

— Et d’autre part, — Véronique baissa la voix, — et d’autre part vous ne dites pas un mot de mon fils… Alors j’ai des idées affreuses… il n’a peut-être pas survécu ?… Peut-être est-il mort depuis ? Est-ce pour cela que vous ne parlez pas de lui ?  »

Avec un effort, elle releva la tête. Honorine souriait.

« Ah ! je vous en supplie, implora Véronique, dites--