Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/42

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soleil, la neige, le gel, la brume, toute l’eau qui tombe du ciel, et toute l’eau qui suinte de la terre.

Le seul point accessible se trouve sur la côte orientale, au bas d’une dépression de terrain où quelques maisons de pêcheurs, la plupart abandonnées depuis la guerre, constituent le village. Une anfractuosité s’ouvre là, protégée par la petite jetée. La mer y est infiniment calme. Deux barques y étaient amarrées.

Au moment d’aborder, Honorine tenta un dernier effort.

« Vous voyez, madame Véronique, nous y sommes. Alors… est-ce bien la peine que vous descendiez ? Restez… Dans deux heures d’ici, je vous amène votre père et votre fils, et nous dînons à Beg-Meil ou Pont-l’Abbé. Entendu ? »

Véronique s’était levée. Sans répondre elle sauta sur le môle.

« Eh bien ! les enfants, demanda Honorine, qui la rejoignit et n’insista pas davantage, le gars François n’est pas venu ?

— Il était là sur le coup de midi, déclara une des femmes. Seulement il ne vous espérait que demain.

— C’est vrai… mais pourtant il a dû entendre que j’arrivais… Enfin, on verra. »

Et, comme les hommes l’aidaient à décharger, elle leur dit :

« Faudra pas monter ça au Prieuré. Les valises, non plus… À moins que… Tenez, si je ne suis pas redescendue à cinq heures, alors envoyez-moi un gamin avec les valises.

— Non, je viendrai moi-même, fit un des matelots.

— Comme tu veux, Corréjou. Ah ! dis donc, tu ne me dis rien de Maguennoc ?

— Maguennoc est parti. C’est moi qui l’ai traversé jusqu’à Pont-l’Abbé.

— Quand ça, Corréjou ?

— Ma foi, le lendemain de votre départ, madame Honorine.

— Qu’allait-il faire là-bas ?