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l’image de la femme nue

recrutés par le patron d’un bateau qui les a embarqués quinze jours plus tard. On ne les a plus revus.

— Le nom du bateau ? s’écria Stéphane.

— Le Prince-de-Galles.

— C’est cela, c’est cela, dit-il tout agité. Et les voleurs de la statue et les matelots du Prince-de-Galles, effrayés par le bruit fait autour du vol, n’ont pas osé la dresser sur le socle préparé, et l’ont, au dernier moment, ou bien ensevelie dans quelque coin du domaine, ou bien dirigée vers un autre pays.

Ravi, ne se souciant plus de la promenade au Vieux-Madon, et oubliant ses propres torts, il embrassa Véronique.

— Vous avez fait de la bonne besogne, ma chérie. Maintenant, laissez-moi faire et gardons le secret sur tout cela.

La bonne besogne accomplie par la jeune femme n’avança pas beaucoup les choses. Ce n’était qu’une indication de plus, tendant à prouver que la Vénus Impudique avait passé dans la région et peut-être s’y trouvait encore. Stéphane qui, à défaut de qualités personnelles d’intuition et de flair, mettait toujours son espoir dans le secours des circonstances favorables, ne savait pas trop comment tirer parti de ces découvertes. Où chercher et qui interroger ? Séphora l’Égyptienne ? Irène Karef ?

Séphora, manifestement, évitait tout entretien. D’autre part, les premières fois où il rencontra Élianthe et Irène, celle-ci demeura taciturne, accrochant le bras de son amie et tournant la tête,

Stéphane voyait son profil dur, ses lèvres minces et ses doigts crispés.

— Eh bien, dit Élianthe en se moquant d’elle, qu’est-ce que tu as ? Je n’ai pas le droit de parler à Stéphane maintenant ? Que s’est-il donc passé entre lui et moi ? Il m’a embrassée et tenue contre lui ? Et après ? n’est-ce pas tout naturel ?

On la sentait dégagée, heureuse d’avoir échappé à l’emprise d’Irène, et de constater qu’elle ne subissait pas l’esclavage d’habitudes irréparables, et que le baiser d’un homme la bouleversait encore.

La bataille ainsi engagée, comment Stéphane pouvait-il espérer qu’Irène se confierait à lui ?

Il eût aussi désiré une entrevue avec le tuteur Zoris, lequel peut-être aurait apporté son témoignage sur certains faits. Mais Zoris ne bougeait guère de son pavillon. Une seule fois il l’aperçut de loin, sur le promontoire. Il se dirigea vers lui. À ce moment, le Castor, parti le matin avec Élianthe, Lœtitia et Véronique, qui devaient ramener de Marseille leur aînée Flavie, le Castor s’arrêtait au débarcadère de Leucade. Les quatre sœurs en descendirent, et la barque les conduisit au