Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dus. Vous êtes, là-bas, malgré un passé…

— Un passé un peu chargé, n’est-ce pas ?…

— C’est cela et malgré toutes les entorses que vous donnez encore aux règles strictement légales, vous êtes là-bas persona grata. Parlez, monsieur d’Averny !

M. Rousselain palpitait de curiosité. Et Raoul d’Averny fournit à cette curiosité de tels aliments que M. Rousselain ne pensa même plus à sa partie de pêche, qu’il accepta de déjeuner au Clair-Logis, et que, jusqu’à trois heures de l’après-midi, il ne fit qu’écouter les récits de Raoul d’Averny mêlés à quelques confidences d’Arsène Lupin.

Au moment du départ, il dit, d’une voix toute frémissante encore d’exaltation :

— Grâce à vous, monsieur d’Averny, j’ai passé une des journées les plus passionnantes de ma vie. Maintenant, je vois l’affaire sous toutes ses faces, et je suis de votre avis : elle ne doit être divulguée qu’avec prudence et discernement. C’est une belle histoire d’amour, malgré les crimes et les mobiles d’intérêt matériel qui la compliquent. Mais c’est, avant tout, une belle histoire de haine et de vengeance ! Crebleu ! Comment notre jolie Rolande a-t-elle pu aller jusqu’au bout de sa tâche ! Quelle énergie ! Quelle violence de sentiments !

— Vous n’avez plus rien à me demander, monsieur le juge d’instruction ?

— Si, un petit supplément d’information sur deux points… sur trois, même.

— Dites.

— Premièrement. Quelles sont vos intentions à l’égard de Félicien ? Et d’abord, croyez-vous que ce soit votre fils ?

— Je ne sais pas, et je ne le saurai jamais. Mais même s’il était mon fils, ma conduite avec lui serait la même. Je ne lui dirai rien. Il vaut mieux qu’il se croie un enfant perdu que de se savoir le fils… de qui vous savez. J’ai votre approbation ?

— Certes, dit M. Rousselain fort ému. Deuxièmement : Qu’est devenue Faustine ?

— Mystère. Mais je la retrouverai.

— Vous tenez donc à la retrouver ?

— Oui.

— Et pourquoi ?

— Parce qu’elle est très belle, et que je n’oublie pas sa statue en Phryné.

M. Rousselain s’inclina, en homme pour lequel rien de ce qui est sentiment et désir ne demeure étranger. Et il acheva :

— Troisièmement : Avez-vous remarqué, monsieur d’Averny, que dans toute cette broussaille d’événements, il n’est, somme toute, plus jamais question du sac de toile grise et des quelques centaines de billets qu’il contenait ? Enfin, quoi, cette fortune n’a pas été perdue pour tout le monde !

— C’est mon opinion. Il y a certainement eu un bénéficiaire.

— Qui ?

— Ma foi, je ne saurais le dire, mais je suppose que quelqu’un aura été plus malin que les autres, et que ce quelqu’un aura cherché à l’endroit précis où la bataille a eu lieu entre Simon Lorient et son agresseur. Les deux duellistes ayant été blessés l’un et l’autre, le paquet aura roulé dans le gazon, vers le fossé.

— « Quelqu’un de plus malin que les autres », dit M. Rousselain, en répétant la phrase de Raoul. Je ne