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Le Bouc ne lui permit pas de s’arrêter. Moins ivre, il se rendait compte qu’il avait fait des confidences, et sans savoir lesquelles, il était furieux. Lorsqu’il parvint à retirer sa main, ils se trouvaient tous deux agenouillés comme des lutteurs sur le bord même du fleuve. Le Bouc jeta un coup d’œil autour de lui.

Personne.

Il poussa le Gentleman, qui tomba dans le vide, et il resta quelques instants, hagard, effrayé de ce qu’il avait fait presque à son insu. Pourquoi avait-il agi ainsi ? Était-ce pour voler le Gentleman ? ou pour l’empêcher d’aller au rendez-vous fixé par le monsieur des cinq mille francs ?

Au-dessous, cependant, il le vit qui se débattait, qui s’enfonçait, revenait à la surface, et, finalement, disparaissait.

Alors, Le Bouc s’en retourna chez lui…


Au fond de l’eau, le Gentleman nagea durant une minute, dans la direction du courant. Certain de n’être plus épié par Le Bouc, il émergea et suivit le quai, rapidement, en grand nageur qu’il était.

Il atterrit un peu avant le pont de Grenelle.

Son chauffeur l’attendait, tout près de là. Il monta dans son auto, changea de vêtements et fila vers le Vésinet.

À trois heures du matin, Raoul était couché dans son lit du Clair-Logis.


VIII

Thomas Le Bouc


L’instruction n’avançait pas. Raoul, le lendemain, rencontrait le juge d’instruction qu’il trouva de fort bonne humeur, comme toutes les fois où M. Rousselain entrevoyait la nécessité prochaine de classer une affaire qui mettait de la mauvaise volonté à se laisser résoudre.

— Remarquez bien, dit-il, que nous n’en sommes pas là. Fichtre non ! Il y a encore des points où se raccrocher, et des pistes à vérifier. Goussot, lui, est très confiant. Mais moi, je suis comme sœur Anne au sommet de sa tour. Je ne vois rien venir.

— Aucune précision sur le sieur Barthélemy ?

— Aucune. Les photographies qu’on prend sur un cadavre, et qu’on reproduit dans les journaux, ne donnent qu’une idée très vague de l’homme qui vivait. En outre, Barthélemy ne devait fréquenter que des milieux louches où l’on n’est jamais pressé d’aider la police. Si quelqu’un a reconnu son image, il se tait, de peur de se compromettre.

— On ne discerne pas de lien entre Barthélemy et Simon Lorient ?

— Pas le moindre. D’autant que Simon Lorient portait un faux nom et qu’on ne sait pas non plus d’où il sortait, celui-là.

— Cependant, l’enquête a relevé qu’il fréquentait certains milieux et qu’on l’aurait vu dans des cafés… et même, a dit un journal, avec une femme très belle.

— Tout cela est assez vague. Quant à la femme, on n’a rien obtenu de précis. Ces gens-là, évidemment, se cachaient et changeaient souvent de personnalité.

— Et mon jeune architecte ?

— Félicien Charles ? Mystère aussi de ce côté. Pas de papiers. Pas d’état civil. Un livret militaire en ordre, et dont le signalement est exact, mais qui répond aux questions d’usage sur la date et sur le lieu de naissance par le mot « néant ».

— Mais ses réponses, à lui ?