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— Oui.

— C’est lui que tes complices ont enlevé jadis pour l’expédier en province, dans une auberge où tu agonisais, et où il t’a opéré et sauvé, n’est-ce pas ?[1]

— Ah ! tu es au courant de cette vieille machine, dit Raoul assez surpris.

— Et de bien d’autres. Donc, c’est bien le docteur Delattre qui t’a recommandé le jeune Félicien ?

— Oui.

— Et comme le docteur Delattre n’avait jamais entendu parler de son protégé, tu sauras que la recommandation fut inspirée et rédigée par le domestique du docteur, un nommé Barthélemy, qui, depuis, a été tué à l’Orangerie.

— Tu ne m’apprends rien jusqu’ici.

— Patience. Ce ne sera pas long. Mais il faut que tu comprennes exactement le mécanisme de l’affaire. Donc, c’est Barthélemy qui a fait entrer Félicien chez toi.

— D’accord avec Félicien ?

— Bien entendu.

— Et dans quelle intention, cette manigance ?

— Pour te faire casquer.

— Donc, entreprise ratée puisque Barthélemy est mort et Félicien en prison.

— Oui, mais je la reprends à mon compte. C’est là tout le secret de ma visite.

— Et c’est là où je ne vois plus clair du tout, moi. En réalité, de quoi s’agit-il ?

— Patience. Je te raconte l’histoire à l’envers, c’est-à-dire en remontant. Donc, depuis une quinzaine d’années, Barthélemy suivait de loin la vie de Félicien, tandis que celui-ci travaillait pour obtenir un diplôme d’architecte. Auparavant, il était commis d’épicerie. Auparavant, employé dans une administration. Auparavant, garçon de garage en province. Et nous remontons ainsi à l’époque où Barthélemy l’avait rencontré dans une ferme du Poitou. Félicien y avait été élevé avec les enfants de la ferme.

Raoul s’intéressait de plus en plus à ce récit, cherchant, non sans une certaine appréhension, à savoir où l’autre voulait en venir. Il demanda :

— Bien entendu, Félicien n’ignore aucun de ces détails, quoi qu’il ait refusé de les communiquer à l’instruction ?

— Probablement.

— Mais comment Barthélemy savait-il ?

— Par la fermière, dont le mari venait de mourir et dont il devint l’ami. Et c’est elle qui lui raconta secrètement qu’un enfant lui avait été apporté jadis par une femme qui lui versa une somme d’argent importante pour les frais à venir.

Raoul d’Averny commençait à se troubler, il n’aurait pu dire pourquoi. Il murmura :

— En quelle année était-ce ?

— Je ne sais pas.

— Mais on le saurait par la femme ?

— Elle est morte.

— Barthélemy savait, lui !

— Il est mort.

— Mais il a parlé, puisque tu sais, toi.

— Oui, il m’en a parlé une fois.

— En ce cas, explique-toi. Cette femme ? la mère de l’enfant ?…

— Ce n’était pas sa mère.

— Ce n’était pas sa mère !

— Non, elle l’avait enlevé.

— Pourquoi ?

— Par vengeance, je crois.

— Et comment était-elle, cette femme ?

  1. Voir l’Aiguille creuse.