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là. Mais, en la sortant de l’eau, il a vu le collier de perles et il a perdu la tête.

— C’est mon avis, dit Raoul.

On entendait l’auto. Il reprit :

— Surtout, ne lâche pas le véritable nom de ton père. Cette vieille histoire de la Présidence du conseil, mêlée à l’histoire d’aujourd’hui, ramènerait l’attention sur Lupin. Et je n’y tiens pas, ma situation dans toute cette affaire est déjà assez difficile. Donc, sois prudent, ne t’écarte pas d’une ligne de la version que nous avons adoptée. Pas un mot en dehors de cela. Dans le doute, il n’y a pas de meilleure réponse que le silence. Et compte sur moi, mon vieux.

Il s’approcha de lui, et, d’un ton amical :

— Un mot encore : ne te fais pas trop de bile à propos du Gentleman que tu as tué.

— Ah ! Et pourquoi ?

— C’était moi, le Gentleman.

Thomas Le Bouc s’abandonna aux mains de l’inspecteur Goussot dans une sorte d’extase. L’escamotage du sac de toile grise, l’audace et la perfection avec lesquelles Lupin avait joué le rôle du Gentleman, la joie imprévue d’apprendre que lui, Thomas Le Bouc, n’avait pas tué… tout cela le soulevait d’allégresse. Qu’avait-il à craindre, avec un pareil protecteur ? Arrivé au Clair-Logis pour bouleverser tout, il s’en allait en prison comme un homme qui a remporté la plus belle victoire, et qui s’apprête à doubler cette victoire en roulant la justice et en rendant service à son bienfaiteur.

— Tous mes compliments, monsieur d’Averny, dit à Raoul l’inspecteur Goussot qui rayonnait de plaisir. Alors, ce client-là est mêlé à notre affaire ?

— Et comment ! c’est un frère de Simon Lorient !

— Hein ! quoi ? son frère ! Mais par quel prodige l’avez-vous capturé ?

— Oh ! fit Raoul modestement, je n’y ai pas grand mérite. L’imbécile s’est fait prendre lui-même.

— Que voulait-il ?

— Me faire chanter…

— À quel propos ?

— À propos de Félicien Charles. Il est venu me dire qu’il avait la preuve que Félicien, complice de son frère Simon Lorient, avait tué Simon pour lui voler le sac de toile grise. Et il m’a demandé la forte somme si je voulais que le secret fût gardé. En réponse, j’ai téléphoné à M. Rousselain. Cuisinez-le, monsieur l’inspecteur principal, et je suis persuadé que vous obtiendrez des aveux dont vous aurez le profit et la gloire.

Sur le seuil de la porte, Thomas Le Bouc, entraîné par le policier, se retourna vers Raoul, et, affectant la colère et la rancune :

— Vous me paierez ça, mon bon monsieur !

— Entendu. Et avec les intérêts !

Le Bouc sortit en sifflotant.


Raoul écouta le pas des hommes qui s’éloignaient. L’auto démarra.

Contrairement à son habitude, il n’eut pas un seul de ces gestes par quoi se manifestait sa joie de triompher. Et pourtant, quel joli succès que d’envoyer Thomas Le Bouc en prison ! Mais non, il demeurait taciturne et absorbé. Il songeait à Félicien, enfermé dans une cellule. Était-ce son fils ? Réussirait-il à le délivrer ? Et qu’était-ce que ce fils équivoque, complice sournois de Barthélemy et de Simon Lorient ?